Chronique de juillet 1916 : Les journaux de tranchées

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Le Petit Mantais crée une rubrique Le coin du poilu, sous-titrée ici « Les journaux du front ». Il s’agit de reproduire en partie un « numéro spécial de l’Arrière » d’un journal de tranchées intitulé Le cri de guerre, journal du 23ème régiment d’infanterie territoriale. Le numéro reproduit en juillet est daté de mars 1916.

Les journaux écrits par les poilus apparaissent avec le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position. Ils sont rédigés sur le front dans les moments de calme entre les offensives ou dans les zones où le front est stabilisé. Ils sont reproduits avec des moyens de fortune et sont nombreux car ils sont peu diffusés du fait des combats et ne concernent souvent que le secteur dans lequel ils sont produits. On en compte plusieurs centaines à la publication plus ou moins régulière et pour certains à l’existence éphémère. C’est en France qu’ils sont les plus nombreux.

La première raison d’être de ces publications est d’occuper et de divertir les soldats. Ces journaux sont souvent illustrés et en général satyriques ou tout du moins humoristiques. Ils décrivent les conditions de vie au front et bien souvent dénoncent ce que les poilus considèrent comme des injustices entre la situation de ceux qui sont au front et ceux qui restent à l’Arrière sans pour autant contester la guerre elle-même.

Joffre est bien conscient de l’utilité de ces publications à destination des soldats mais il y voit aussi un outil de propagande pour l’arrière qui permet de montrer à quel point les soldats sont enjoués et ont bon moral ! Et de persuader les civils qu’il n’y a pas lieu de se plaindre…Comme tout ce qui est produit par les soldats, ces publications, comme le courrier, sont évidemment surveillés et si nécessaire censurés.

Le contenu des journaux est très varié : billets d’humeur, chansons, poèmes, textes parodiques, humour noir. Le ton en est très libre et il se crée un langage des poilus et une connivence qui renforcent les liens entre soldats et sont à l’origine de l’esprit « anciens combattants ». Il en ressort aussi bien évidemment une volonté d’échapper à l’horreur des combats et à l’angoisse de la mort.

On a ici la reprise des éléments d’un « vrai » journal avec le numéro et le contrepied des journaux habituels : pas d’abonnement et pas de publicité ! L’extrait présente l’exemple de deux lieux qui échappent à l’horreur de la guerre. Il s’agit d’une description de la vie à l’arrière sous forme de reportage réalisé par un envoyé spécial dans une contrée étrange peuplée de femmes, d’enfants et d’hommes qui ne combattent pas. On y trouve à la fois la nostalgie de la « vie d’avant », de la famille et de la paix, d’un univers qui semble bien lointain, mais aussi le constat que la vie continue paisiblement pour certains.

L’article sur l’hôpital est assez grinçant. De prime abord on apprend que les blessés ou les malades ne sont pas si mal en point que cela, que les patients sont bien nourris, simplement contraints de ne pas fumer. Cependant on peut y déceler les moyens dérisoires des médecins par rapport aux blessures infligées par les nouvelles armes (les soldats sont soignés par des tisanes !). L’hôpital apparaît comme un refuge, lieu protégé et privilégié car « il est défendu de creuser des tranchées et de lancer des gaz asphyxiants ». Mais le passage à l’hôpital n’est seulement qu’un répit pour le soldat promis à l’enfer des combats puisque « on reçoit (le titre) de « guéri » en s’en allant, qu’on peut garder jusqu’à sa mort » ou jusqu’à sa prochaine blessure.

Isabelle Attard-Aman

Pour aller plus loin :

  • Sur les journaux de tranchées :

Le cri de guerre sur Gallica

  • D’autres journaux de tranchées dans les collections en ligne de la BDIC
  • S.Audouin-Rouzeau, A travers leurs journaux.14-18, les combattants des tranchées, Armand colin, 1986
  • Odile Roynette, Les mots des tranchées ; l’invention d’une langue de guerre 1914-1919, Armand Colin, 2010
  • Nicolas Beaupré, Ecrire en guerre, écrire la guerre ; France, Allemagne 1914-1920, CNRS Editions, 2006
  • Matthieu Frachon, Le rire des tranchées ; 1914-1918 : la guerre en caricatures, Balland 2013