Les réfugiés en Seine-et-Oise

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L'avancée des troupes allemandes en Europe provoque partout sur le continent des mouvements de populations. Les réfugiés sont nombreux en France, l'on décompte plusieurs catégories : les évacués, les libérés et les rapatriés. Les premiers sont des civils fuyant l'invasion et les bombardements, à l'exemple des habitants des places fortes de Toul, Verdun ou encore Belfort, alors « bouches inutiles » évacuées du front.

Les papiers des réfugiés

Ces évacués rapportent avec eux vers l'intérieur des récits qui vont contribuer à une vague de « Grande Peur ». Dès l'été 1914 et ce jusqu'à l'automne, vont alors s'opérer des exodes en masse vers des zones non occupées, loin du front et des récits des réfugiés de l'est et du nord. De 1915 à 1917, les régions françaises les plus touchées par les combats et bombardements procèdent à des évacuations régulières ; ainsi 45.000 personnes sont évacuées de la région de Verdun en février 1916. Une deuxième catégorie de réfugiés se développe à partir de 1917 lors de la libération et récupération de régions alors occupées par les forces allemandes. Des habitants de la Somme, de l'Oise et de nombreux départements de l'est et du nord, considérés comme « libérés » sont redirigés vers l'intérieur, loin des combats et des ruines. La troisième et dernière catégorie de réfugiés est celle des « rapatriés » : ces habitants des départements occupés par l'Allemagne sont autorisés à revenir en France via la Suisse et la Haute-Savoie.


Les réfugiés en Seine-et-Oise

La Seine-et-Oise va ainsi devenir, loin du front, un département de refuge. Elle accueillera, outre des français de l'est et du nord, des réfugiés de l'étranger ayant vu leur pays totalement envahi par l'ennemi. Nombreux sont les Belges, Serbes ou encore Arméniens qui quittent leur pays natal pour des zones non occupées en Europe. En 1917, Paris et sa banlieue accueillent dès lors entre 400 et 500.000 réfugiés, toutes nationalités confondues. A la suite du début d'exodes massifs en 1914, le gouvernement français met en place une politique d'assistance envers les populations déplacées en raison de la guerre. Une circulaire du ministre de l'Intérieur du 1er décembre 1914 réalise dès lors : « le principe essentiel de l'assistance aux réfugiés sans ressources est que l'Etat français doit pourvoir, avec le concours patriotique des populations, à leur logement, à leur subsistance et à leur entretien ». L'on organise un système d'allocations envers les personnes réfugiées sur le territoire français, la population locale est également encouragée à l'accueil des familles évacuées. De même, des maisons de famille des réfugiés sont mises en place dans les différentes communes du département afin de regrouper les familles réfugiées. Un sentiment d'empathie marque alors l'atmosphère à l'arrière. Des associations et œuvres de charité sont établies dans les différentes régions peu ou aucunement touchées par les affrontements ; en Seine-et-Oise et ailleurs, de nombreuses associations voient le jour, telles que le Comité des réfugiés franco-belges de Versailles, l'œuvre de l'action sociale ou bien encore le Comité général des réfugiés de France. Ces associations se voient confiées involontairement un autre rôle : celui de réconcilier les réfugiés avec les populations locales, alors de plus en plus agacées par la présence de ces derniers.

Un sentiment d'animosité

La sympathie rapidement place à l'agacement des locaux. Le 24 novembre 1915, le Bulletin des réfugiés du Nord publie un article suite à ce changement d'atmosphère : « à la sympathie dont on les avait entourés, d'abord, parce-que leurs souffrance étaient comme la relative rançon de la relative tranquillité des autres Français, ont succédé l'indifférence et même, dans certains cas, la mauvaise humeur. On trouve que les réfugiés sont encombrants. On les traite comme des gêneurs et même comme des parasite »1. En cause, l'impression que les réfugiés rechignent à trouver du travail et profitent ainsi du système d'allocations accordées par l'Etat.

Les Belges en Seine-et-Oise

Les réfugiés belges ont droit aux allocations en France, comme tout réfugié. Ils bénéficient de même de la charité privée, en plein essor durant la guerre. Le 20 décembre 1914 est ainsi organisée une « Journée du drapeau belge » : la vente de drapeaux belges permet de récolter des fonds à destination des populations réfugiées. En janvier 1915 apparaissent plusieurs comités visant à la protection et l'accueil des Belges en France, parmi eux le Comité des réfugiés franco-belges de Versailles qui couvre une grande partie du territoire de la Seine-et-Oise ; il couvre tous les arrondissements du département (Versailles, Mantes, Rambouillet, Corbeil et Etampes) sauf Pontoise. Le 8 août 1915, à l'occasion de l'anniversaire de la violation de la neutralité de la Belgique (4 août 1914), le Comité des œuvres départementales de Seine-et-Oise organise une journée de vente d'insignes fabriqués spécialement pour cette journée : c'est la « Journée Belge ». Ainsi, 10.000 insignes (médailles portant les armoiries de la ville de Liège) sont vendus ce 8 août, les fonds récoltés sont alors reversés aux œuvres dédiées aux réfugiés belges dans le département, dont le Comité franco-belge de Versailles. Les Belges sont particulièrement nombreux en Seine-et-Oise durant la guerre. Au 1e mai 1915, la Seine-et-Oise comptabilise au total 9.661 réfugiés, 2.991 d'entre eux sont Belges. Parmi les autres, l'on observe 6.656 Français venus d'autres régions, des Alsaciens-Lorrains et des Serbes. Le 30 juin 1918, 74.918 personnes ont trouvé refuge dans les différents arrondissements du département, plus de 15.000 sont d'origine belge. Au 31 décembre 1918, même après la déclaration d'armistice, la Seine-et-Oise sert toujours de terre d'accueil pour plus de 80.000 réfugiés. Le nombre de réfugiés dans le département commencera à décroître au début de l'année 1919. Une partie de la population belge accueillie est considérée avec un certain égard : les enfants. Quelques orphelinats et colonies scolaires belges s'installent en Seine-et-Oise pour la durée de la guerre. Ainsi, Le Vésinet a vu l'installation d'une colonie scolaire belge de la région de Liège composée de quatre religieuses, d'une adulte et de 41 enfants de 7 à 15 ans. Quant aux orphelinats, Pontoise fonde un orphelinat belge dans l'ancien couvent de la Compassion où logent 46 jeunes filles rapatriées d'Allemagne au début de l'été 19182. Les autorités insistent particulièrement sur les conditions d'hygiène dans lesquelles les enfants, de Belgique ou d'ailleurs, sont logés afin d'éviter les épidémies. Malgré cette insistance, au début de l'année 1916, une épidémie de diphtérie est déclarée à Viroflay parmi des jeunes filles belges. Certaines communes accueillent quant à elles des enfants alsaciens ou bien serbes : en 1916, Jambville reçoit 23 fillettes de Thann, en Haute-Alsace, leur commune étant touchée par des bombardements réguliers. Des enfants serbes sont également logés en Seine-et-Oise : 5 sont logés au Collège d'Etampes pendant la guerre, 22 autres sont réfugiés à Cormeilles-en-Parisis. A la fin de la guerre en 1918, tous les réfugiés, de Belgique ou d'ailleurs, ne rentrent pas dans leur pays ou département d'origine. La Seine-et-Oise reste après 1918 une terre d'adoption pour de nombreux réfugiés.


Sources

Archives départementales des Yvelines, 10R 45-60, 103J 38. Notes et références : 1 Bulletin des réfugiés du Nord, 15 novembre 1915 2 Archives départementales des Yvelines, 10R 49 Bibliographie : Catalogue d'exposition du Service éducatif et culturel des Archives départementales des Yvelines, Les Français et la guerre, 1914-1918, Conseil général des Yvelines, 2008.

  • Cochet, François (et al.). Dictionnaire de la Grande guerre 1914-1918. Paris : R. Laffont, 2008   in-8° 8604  
  • Audoin-Rouzeau, Stéphane (dir.). Encyclopédie de la Grande guerre, 1914-1918: histoire et culture. Paris : Bayard, 2004   in-8° 7566  
Voir aussi
  • Maisons de famille Comité des réfugiés franco-belges de Versailles œuvre de l'action sociale Journée du drapeau belge
  • Journée Belge Indexation : Seine-et-Oise / Belgique / Réfugiés / œuvres de guerre / Enfants pendant la Grande Guerre Iconographie : 103J38 / 10R 45 (rapport du 31 décembre 1918) / 10R 51 (télégrammes officiels d'août 1917)