Différences entre versions de « JEULIN, Eugène Alexandre (Orgerussien) »
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''Merci à Daniel Jeulin, leur petit fils, de nous avoir permis de publier ces écrits. Difficile de couper des passages, tant l’émotion est intense''. | ''Merci à Daniel Jeulin, leur petit fils, de nous avoir permis de publier ces écrits. Difficile de couper des passages, tant l’émotion est intense''. | ||
''Source : Petit Echo d'Orgerus hors série de Septembre 2015 - wwww.orgerus.fr'' | ''Source : Petit Echo d'Orgerus hors série de Septembre 2015 - wwww.orgerus.fr'' | ||
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Version du 9 septembre 2015 à 19:15
Eugène, un Orgerussien mort pour la France :
Transcription de l’acte de décès de Eugène Alexandre JEULIN mort pour la France : « L’an 1916 le 20 janvier à 16h transcription de décès ; L’an 1915 le 12 juillet à 16h10 étant à Beauséjour Marne, acte de décès de Eugène Alexandre Jeulin, soldat de 2ème classe du 322ème régiment d’infanterie, 19ème compagnie, immatriculé sous le numéro 3621, du recrutement de Versailles, né le 18 mars 1884 à Orgerus, domicilié en dernier à Béhoust décédé à Beauséjour Marne aux tranchées le 9 juillet 1915 à 23h des suites de ses blessures occasionnés par un obus. Fils de François Edouard et de Pauline Nicole domiciliés à Orgerus époux de Clothilde Arinthe. »
Eugène est le cousin germain de Gabriel Fernand, mort à l’Echelle-Saint-Aurin dans la Somme, comme nous l’avons vu dans le hors série de novembre 2014. Les parents d’Eugène habitaient au Moutier d’Orgerus. Son père était journalier. Le 2 mai 1908, il épouse à Béhoust, Clotilde Arinthe, blanchisseuse. De leur union, nait à Orgerus une fille Renée en 1909 et à La Queue-lez-Yvelines, Albert en 1912. Vers 1910, Eugène quitte Orgerus pour s’installer avec sa famille à La Queue-lez-Yvelines. Il est alors maçon chez Eugène Asselin, entrepreneur de travaux publics à La Queue. En août 1914, il est mobilisé. Son épouse quitte le domicile pour rejoindre sa famille à Béhoust. Le 9 juillet 1915, il décède à Beauséjour dans la Marne.
Extraits des courriers adressés depuis les tranchées par Eugène Alexandre JEULIN à son épouse Clotilde Eugénie ARINTHE
entre le 6 avril et le 9 juillet 1915, transmis par leur petit fils Daniel Jeulin
En cantonnement, 6 avril 1915 …Nous avons changé de cantonnement et de régiment…22° d’infanterie, 5° Bataillon, 19° compagnie, Secteur Postal 138
En cantonnement, 9 avril 1915 …Je pars pour les tranchées…
Au repos, 15 avril 1915 …Ce que j’avais fait de campagne jusqu'à ce jour, je n’avais encore rien vu… Nous sommes dans certains endroits sur des cadavres Boches, ils servent même à tenir les parois de la tranchée……chaussettes russes, alcool de menthe, teinture d’iode, voila le plus urgent dont je ne saurai me passer.
Les tranchées, 18 avril 1915 …Si on se repose un peu le jour, c’est grâce à notre 75…qui les chatouillent toujours un peu… La nuit… nous avons des projecteurs…on peut aussi bien viser comme de jour…Voilà en deux mots notre vie qui ne vaut pas celle d’un chien.
Au repos, 21 avril 1915… Nous avons un colon qui nous mène la vie dure, mais il aura du mal à réussir, ce matin il y avait beaucoup de malades…il nous fait faire, étant au repos, l’exercice comme aux bleus, si cela continue personne ne voudra marcher.…Ne te tourmente pas si je suis blessé…S’il m’arrive autre chose de fâcheux tu le sauras car nous sommes plusieurs camarades ensemble que nous avons nos adresses, et cela est convenu d’avertir la famille.
Au repos, 27 avril 1915 …Dans les tranchées…avec cette fumée de fusils et d’obus on ne voyait plus clair… Il vaudrait mieux encore manquer de nourriture que de munitions…
Les Tranchées, 1° mai 1915 ……Je passerais notre anniversaire de mariage demain dans les tranchées…
Au repos, 3 mai 1915 …Ici ce n’est pas gai, on ne voit pas des fleurs comme chez nous, car il n’y a plus d’arbres……J’ai bien pensé à l’anniversaire de notre mariage car dans les tranchées on a beaucoup de temps de penser à bien des choses.
Les tranchées, 7 mai 1915… Quand tu m’écris ne met jamais sur tes lettres Boches, pour que je comprenne tu n’auras qu’a mettre eux… Les chiffons que tu m’as envoyés font bien mon affaire……Tu pourrais m’envoyer un peu de camphre…pour que je puisse le mettre à mon cou pour chasser nos petits habitants…
Les tranchées, 14 mai 1915 : ……J’ai bon appétit, mais la graisse est bien disparue, mais tant que l’on peut conserver le reste cela n’est rien… … J’attends avec impatience une blessure comme ma première cela serait toujours autant de bon……On pourrait ramasser de l’aluminium pour faire une batterie de cuisine, on pourrait en avoir un tombereau en peu de temps, car maintenant une partie de leurs obus sont fait rien qu’avec cela ……
Les tranchées, 24 mai 1915 …On a appris hier matin que l’Italie faisait une mobilisation générale contre l’Autriche et l’Allemagne. Nous l’avons appris hier soir aux Boches en criant vive l’Italie à haute voix de façon qu’ils puissent nous entendre et avons hissé le drapeau Français, ils n’ont pas tiré un coup de fusil, même pas dans le drapeau, cela faisait une drôle d’impression de ne pas entendre un coup de feu pendant 5 minutes.
Au repos, 28 mai 1915… Cela semble bon de pouvoir se laver…Je me suis levé ce matin à 3 heures pour me laver à la rivière, car il faut retenir sa place. Je viens des bains douches, cela est curieux de voir une installation de ce genre, cela est très pratique.
Les tranchées, 30 mai 1915 …Je suis soldat de 1° classe depuis le 26 mai…j’ai voulu refuser, mais j’aurai été mal considéré vu que c’était le chef de section qui m’avait proposé…cela ne me plait pas…je te prie de le garder pour toi.
Les tranchées, 1° juin 1915 …Tu me demandes toujours une longue lettre, mais que veux tu que je te dise ? vu que c’est toujours la même chose.
Au repos, 6 juin 1915 …Je suis comme les camarades, on commence à en avoir assez…Je vous promet que vous, femmes françaises et allemandes, que si vous voyez notre situation, la guerre serait finie d’ici une quinzaine de jours. Car voir des cadavres… en décomposition, cela est bien triste, et l’on dit sur le journal que le service sanitaire est bien établi…cependant il faut voir ces milliers de mouches…au combat du 8 mars il y a eu 45000 morts tant que Boches et Français, vous voyez que l’on ne peut pas faire disparaître tous ces cadavres d’un seul jour…
Les tranchées, 13 juin 1915 J’ai bien reçu ton colis… L’eau de vie était bien bonne, et cela chasse un peu les mauvaises odeurs…l’andouille était bien conservée…au moment d’un orage qui a duré 1 heure… Dans nos tranchées on avait 20 centimètres d’eau, on ne voyait pas à 2 mètres par l’eau et la fumée de la poudre……Nous avons subi assez de pertes…il faut compter aux 2 bataillons 800 hommes hors de combat dont 200 tués environ.…Cette guerre va se faire plutôt sous terre que dessus…nous faisons des souterrains de 8 mètres de profondeur et parfois les Boches se rencontrent avec nous dans ces souterrains.
Les Tranchées, 16 juin 1915 …Je n’ai plus de bretelles, les miennes sont pourries par la sueur et je ne peux plus les réparer.
Les tranchées, 18 juin 1915…Nous avons des masques contre les gaz asphyxiants et brûlants…
Au repos, 22 juin 1915…On repart ce soir aux tranchées pour 12 jours…
Les tranchées, 25 juin 1915. …Le colis était en bon état, mais les fraises ne s’étaient pas conservées, il y avait un peu de fourmis, mais cela était bien bon de pouvoir goûter une fraise…j’ai eu la courante pendant 2 jours, cela va mieux aujourd’hui, c’était la chaleur qui faisait cela, il faisait vraiment chaud, on était pas bien dans les tranchées…
Au repos, 6 juillet 1915 …Nous sommes au repos depuis hier matin et nous devons repartir demain soir pour les tranchées.
Les tranchées, 8 juillet 1915 (avant dernière lettre)…Tout va pour le mieux. Nous sommes dans les tranchées de 1° ligne depuis cette nuit, nous y sommes pour 12 jours, nous passerons donc le 14 juillet dans les tranchées…
Les tranchées, 9 juillet 1915 (dernière lettre)…Reçu à l’instant ton colis en bon état qui m’a fait plaisir. Les abricots sont bien bons, ils étaient bien conservés. Cela fait plaisir de se servir d’un mouchoir qui est si propre, si l’on mettait notre lessive à coté de la tienne on y trouverait de la différence. Quand aurai-je le bonheur de pouvoir mettre du linge si propre pour toujours ? La santé est toujours bonne et vous souhaite à tous de même. Bonjour à nos familles, embrasse bien nos petits enfants. Merci de ton colis. Reçois mes milles baisers. Ton mari qui ne cesse de penser à toi. Eugène.
Les 9 et 10 juillet 1915 : attaque par les Allemands de la tranchée Crochet et contre attaque des français. Bilan : 2 prisonniers, 30 tués, 95 blessés et 7 disparus.
Béhoust, 19 juillet 1915 :
Monsieur, Voudriez vous avoir la bonté de me donner des nouvelles de mon mari, Jeulin Eugène dont je suis sans nouvelles depuis 10 jours. Remerciements. Clotilde Jeulin
Rodez, 4 août 1915 : Aucun renseignement ne nous est encore parvenu au sujet de ce militaire. Dès que nous recevrons des Indications précises le concernant vous en serez aussitôt prévenue.
Orgerus, le 20 janvier 1916 : transcription du décès d’Eugène sur les registres d’état civil d’Orgerus.
Merci à Daniel Jeulin, leur petit fils, de nous avoir permis de publier ces écrits. Difficile de couper des passages, tant l’émotion est intense. Source : Petit Echo d'Orgerus hors série de Septembre 2015 - wwww.orgerus.fr