Chronique de mars 1916 : Les cheminots
Nos cheminots au Front
Il s’agit d’un article concernant l’implication des cheminots dans le conflit. Il leur est reproché d’être des embusqués. Ce terme existe avant la guerre mais son utilisation se développe évidemment largement durant le conflit. En fait ce terme est utilisé souvent à tort et à travers. Il concerne des situations très diverses et révèle une faille dans l’unanimité de la population face à la guerre.
Certes il existe de vrais embusqués : en effet lorsque l’on a des relations on peut trouver une place à l’abri, bien loin du front. Il faut agir pour ne pas briser l’Union nationale. Dès 1915 la loi Dalbiez amène à faire repasser devant la commission des réformés et des exemptés, ce qui permet de recruter environ 350 000 hommes supplémentaires. Malgré tout le sentiment que les embusqués demeurent nombreux persiste. Cet état de fait marque une fracture entre classes sociales puisque, évidemment, les classes populaires sont exclues de ce système.
Une autre fracture apparaît entre ruraux et urbains. Les impératifs de production et de transport rendent nécessaire le maintien voire le retour de certains hommes à l’Arrière. Si c’est le cas pour les ruraux au moment des récoltes, ces retours sont ponctuels et tranchent avec la situation des ouvriers rappelés dans les usines de façon plus durable. Avec l’évolution des techniques de guerre, les ouvriers sont plus utiles dans les usines à fabriquer des armes que les bataillons de fantassins qui se font massacrer sans profit. Nombre de Français en concluent que les ouvriers sont à l’abri dans les usines alors que les paysans restent au front.
Cet article est publié en mars 1916. La bataille de Verdun vient de débuter alors que se profile la crise des effectifs et que les critiques sur les embusqués ressurgissent régulièrement. De plus les permissionnaires considèrent que les cheminots, certes sont mobilisés mais à l’abri, et que le service ne fonctionne pas de façon satisfaisante. Il est vrai que les soldats attendent parfois plusieurs jours pour partir en permission faute de train. Il s’agit donc de faire le point sur le rôle des cheminots dans le conflit.
L’article rappelle tout d’abord que « nombre de jeunes employés furent versés dès le début dans l’armée combattante » et cite « tous ces héros » de la gare d’Achères « tombés au champ d’honneur ». Ils ont tous entre 24 et 30 ans.
Ensuite l’article rappelle que ceux qui ne sont pas au front participent grandement à l’effort de guerre. En effet dès août 1914 les transports apparaissent comme un élément fondamental de cette guerre qui va devenir totale. Au tout début du conflit les transports civils sont interrompus puis remis en service avec de nombreuses restrictions. Il faut transporter les soldats sur le front, mais aussi tout ce dont ils ont besoin, nourriture, armes, munitions. Il faut aussi ramener vers l’arrière les blessés. Dès l’été 1914 on apprend dans la presse locale que nombre de convois de blessés en route vers la Normandie ou la Bretagne transitent par les gares de Versailles, Mantes, Achères… Il faut aussi continuer à transporter et ravitailler les civils.
Et le journaliste de conclure sur le « rôle extrêmement important » de la gare « qui n’a pas failli à sa mission » et à qui il faut » rendre justice ».
Isabelle Attard-Aman
Pour aller plus loin
- Dictionnaire de la Grande Guerre 1914-1918 sous la direction de F.Cochet et Rémy Porte. Robert Laffont, article "embusqués" et article "chemins de fer"
- C. Ridel, Les Embusqués, Armand Colin, 2007
- Revue d’histoire des chemins de fer Actes du séminaire. Les cheminots, images et représentations croisées, 2002-2005, Emmanuelle Cronier, Les permissionnaires du front face aux cheminots pendant la Première Guerre mondiale
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