Chronique de mars 1915 : La culture du front
Avec l’installation dans les tranchées, une culture du front va se développer. Les soldats doivent occuper les longs moments d’attente entre les offensives, tromper l’ennui mais aussi trouver les moyens de surmonter l’atrocité de la guerre. Outre le courrier qu’ils envoient à leur famille, ils se mettent à tenir des carnets, éditer des journaux, dessiner, sculpter des objets, et chanter.
Une forme nouvelle de chansons apparait. Il ne s’agit pas de chants militaires habituels, traditionnels chants de marche ou de bivouac mais de créations des poilus. Ils détournent des airs connus, à la mode et créent des textes nouveaux dont les paroles révèlent leurs conditions de vie et de combat. La chanson Les Marmites se chante « sur l’air légendaire » d’une chanson de Mac-Nab (chansonnier de la fin du XIXème siècle),le Pendu.
Ces textes sont nombreux comme le souligne le chapeau qui précède le texte publié dans le Petit Mantais et ils n’ont pas tous le succès de La Madelon par exemple. Il s’agit bien sûr de montrer à l’Arrière que le moral des soldats est bon et, s’ils plaisantent, créent des textes humoristiques (« glorieuses chevauchées ») sur les combats et s’ils chantent c’est que tout va bien ! C’est ce qui apparait dans les deux premiers couplets de la chanson Les Marmites. Le troisième couplet était-il moins rassurant ? Sans doute puisqu’il a été coupé.
Certains textes traduisent la nostalgie du foyer lointain - et c’est le cas du IVème couplet - mais aussi parfois les craintes quant au retour du front. Il faudra retrouver les habitudes de la vie civile et sa place au sein de la famille. Des inquiétudes apparaissent au sujet de la place des femmes. On cherche à se rassurer. Leur émancipation ne peut être que temporaire et, dans les postes traditionnellement masculins, la femme doit apparaitre seulement comme une suppléante.
Enfin il faut aussi distinguer ces chansons du front de celles écrites par les chansonniers – on est à la grande époque du café concert - qui pour certains adaptent leurs textes et se lancent dans la chanson patriotique. Ces chansonniers vont d’ailleurs faire des tournées pour les soldats mais ils ne sont pas toujours bien accueillis car, s’ils apportent un moment de détente et une parenthèse distrayante, ils sont aussi le symbole de l’insouciance de l’Arrière et des embusqués.
Isabelle ATTARD- AMAN
Pour aller plus loin :
- Dictionnaire de la Grande Guerre, sous la direction de F. Cochet et R. Porte, collection Bouquins, R. Laffont, 2008, Article Chansons de la guerre
- R. Cazals et A. Loez, 14-18 vivre et mourir dans les tranchées, collection Texto, Taillandier, 2012 Chapitre V
- A. Simon- Carrère, Chanter la Grande Guerre, les « Poilus » et les femmes (1914-1919),collection Epoques, Champs Vallon, 2013
- D. Huybrechts, 1914-1918 Musiciens des tranchées, Racines 2014
Les Archives départementales des Yvelines conservent une riche collection de périodiques locaux. Une partie est numérisée et consultable en ligne sur le ky'osque.
Vous trouverez sur le site internet des Archives départementales la liste des journaux anciens conservés.