Chronique de mars 1917 : L'engagement des intellectuels
Cette affiche nous permet d’aborder la question de l’engagement des intellectuels lors de la Première Guerre mondiale.
La conférence annoncée est donnée par Edouard Driault, professeur d’Histoire à Versailles. Fils d’instituteur, il est reçu à l’agrégation en 1891 et obtient sa mutation au lycée Hoche en 1902, où il prépare ses élèves au baccalauréat et au concours d’entrée à Saint-Cyr. Il est un spécialiste reconnu de la question d’Orient et en particulier de l’histoire de la diplomatie grecque au XIXème siècle. Admirateur du Premier Empire, il consacre plusieurs ouvrages à ce sujet et est le fondateur de la revue et de l’Institut d’études napoléoniennes. Sa carrière ne le désigne pas d’office comme un spécialiste de la question de « la lutte contre la propagande ennemie en France ». Et pourtant, âgé de 50 ans lorsque la guerre éclate et donc trop vieux pour être mobilisé, c’est par sa plume et sa verve qu’il participe au conflit. Son engagement est en particulier signalé en 1919 par sa hiérarchie qui souligne qu’en tant que « fondateur et président du comité Michelet, président de la Ligue pour la Rive Gauche du Rhin, conférencier infatigable et très applaudi, au service de toutes les œuvres de relèvement patriotique, M. Driault multiplie ses efforts, particulièrement depuis la guerre, pour le plus grand bien du lycée et du pays. »
Le cas d’Edouard Driault est représentatif de l’attitude de nombreux intellectuels européens lors du premier conflit mondial. Christophe Prochasson dans son article consacré à la question dans l’Encyclopédie de la Grande Guerre dirigée par Stéphane Audouin-Rousseau et Jean-Jacques Becker voit dans l’ardeur des plus anciens à se lancer dans une guerre des mots ayant pour but la défense de la patrie une « compensation morale des pères assistant au sacrifice de fils qu’ils venaient épauler, à leur manière, avec leurs seuls moyens intellectuels ». De même, nombreux furent ceux qui devenus de véritables militants de la cause nationale, présents dans diverses institutions de propagande ou de soutien de la défense nationale, multiplièrent travaux et écrits parfois bien éloignés de leurs premiers travaux. C’est le cas par exemple de l’historien Ernest Lavisse qui préside justement « l’Union des Grandes Associations Françaises contre la Propagande Ennemie » qui compte parmi ses membres Edouard Driault en tant que président du Comité Michelet.
Le slogan « Toute la France debout pour la victoire du droit » est par ailleurs caractéristique de l’engagement des intellectuels européens qui utilisent alors leurs talents afin de convaincre du bien-fondé de la cause défendue par leur pays.
L’engagement d’Edouard Driault se termine en 1919 avec la conférence de la paix à l’occasion de laquelle il milite en faveur des droits de la Grèce, ce qui lui vaut d’être approché par Vénizélos, le chef du gouvernement grec, qui l’invite à prononcer des cycles de conférences, en France puis à Athènes. Son exemple ne doit cependant pas faire oublier que de nombreux intellectuels pacifistes existèrent et durent se heurter à la répression et à la surveillance de l’Etat à l’image de l’écrivain Romain Rolland qui ne quitta pas la Suisse lors du conflit.
Jean-Christophe Blanchard
Pour aller plus loin :
- La liste de la cinquantaine de membres de l’ « Union des Grandes Associations Françaises contre la Propagande Ennemie TOUTE la France DEBOUT POUR LA VICTOIRE DU DROIT » et des associations dont ils sont les représentants est disponible sur Gallica
- Couderc Anne, « Des études napoléoniennes au soutien de la Grande Idée grecque : Édouard Driault (1864-1947) et le rêve d'une Méditerranée impériale », Matériaux pour l’histoire de notre temps 3/2010 (N° 99) , p. 36-44