Chronique de novembre 1917 : L'utilisation du roman national
Dialogue des morts
Article "Guerriers d'autrefois et guerriers d'aujourd'hui"
Ce billet d’humour de novembre 1917 nous offre en plus de quelques sourires une vision d’un certain état d’esprit qui existe en France après trois longues années de guerre.
Si la lecture du document se suffit largement à elle-même tant elle est parfois croustillante, on ne peut cependant pas s’empêcher de proposer quelques éléments afin d’analyser cette rencontre improbable et cocasse entre Louis XIV, Napoléon et un poilu tout droit sorti de sa tranchée. Les trois ayant pour point commun d’avoir affronté les Allemands qui sont transformés à travers ces lignes en un ennemi héréditaire.
Le personnage de Louis XIV, souvent considéré comme le plus grand monarque de l’histoire de France, est ici tourné en ridicule. Son phrasé et ses nombreuses maladresses le rendent parfaitement grotesque. Il ne faut pas oublier que c’est la République qui est alors en guerre, et le premier conflit mondial est l’évènement qui lui permet de s’implanter durablement dans notre pays. Mais, union sacrée oblige, l’auteur ne peut cependant pas dénigrer complétement la monarchie et rappelle tout de même que Louis XIV avait « l’amour de la France et l’orgueil de la rendre grande et puissante ».
A l’inverse, Napoléon reçoit un traitement beaucoup plus positif, preuve que la mémoire de son épopée et de la gloire de la Grande Armée est encore vive dans la France du début du XXème siècle. C’est en fait beaucoup plus la figure du « petit caporal » proche de ses hommes que celle de l’empereur qui est ici mise en avant car plus en adéquation avec les valeurs républicaines. Aussi illustres soient-ils, ces deux personnages ne sont au final que des faire-valoir pour glorifier les poilus et leur chef. On notera avec un certain amusement que Louis XIV aurait « été digne de servir » sous les ordres de Pétain. De même, si le soldat est une caricature grossière d’un français tout droit issu des classes populaires, son côté humoristique a pour but de le rendre attachant et non pas ridicule. Et comment ne pas voir en ce poilu qui s’adresse à égalité à deux légendes historiques, une exaltation des valeurs républicaines ?
L’article se termine par un éloge napoléonien rendu à ceux qui souffrent et meurent pour la France ainsi que par un dénigrement de l’adversaire honni. On ne peut que regretter une chute d’une telle banalité et qui relève de la propagande de bas étage alors que l’auteur avait pourtant fait preuve d’originalité dans un registre où l’humour était alors beaucoup plus présent qu’on ne le pense souvent.
Jean-Christophe Blanchard