Les vitraux commémoratifs de l'église Saint-Ouen de Bennecourt
- 1. Contexte historique
En 1914, l’Allemagne rompt le traité de 1831 qui reconnaissait la neutralité de la Belgique et franchit la frontière. Cet évènement va contribuer à l’entrée en guerre de l’Angleterre pour défendre les valeurs d’indépendance de la Belgique. C’est le commencement d’un exode important des populations belges vers la France et au Royaume-Uni, un départ précipité et compliqué. Des Belges sont recueillis surtout dans le nord de la France mais aussi dans les Yvelines dans la ville de Bonnières-sur-Seine. Des associations, comme le BBT (Bourse Belge du Travail) et le ONT (Office National du Travail), sont créées par le ministère belge de l’Industrie et du travail pour que les réfugiés puissent participer à l’effort de guerre. La France leur reconnait le statut de victime de guerre.
- Les Belges à Bonnières-sur-Seine et Bennecourt
Pour participer à l’effort de guerre, beaucoup de Belges vont travailler dans des usines d’armement comme celle de Bonnières. Cette usine est l’un des plus grands centres industriels belges de France, nées de l’initiative de Louis Piret en 1916, un industriel belge originaire de Thy-le-Château. Cette usine fabrique des éléments pour l’aviation et l’artillerie. L’entraide « Saint Eloi », financée par Louis Piret, permet la création d’institutions dédiées à cette communauté belge, comme une école (qui reprend le programme scolaire de Belgique), une église, un secours mutuel et même le « Journal des Métallurgistes belges de Bonnières et de ses environs ». C’est grâce à Louis Piret et l’abbé Bonjean qu’une organisation a été mise en place pour la communauté belge à Bonnières et Bennecourt. L’abbé Bonjean, ancien curé de Thy-le-Château, va devenir le curé de la paroisse de Bennecourt.
- Le don de Louis Piret à l’église de Bennecourt
Pour remercier la paroisse de son soutien aux réfugiés belges, Louis Piret, fondateur de la Société métallurgique, va donner un ensemble de vitraux à l’Eglise Saint-Ouen de Bennecourt. Les vitraux datent de 1919. Au niveau du déambulatoire se trouvent, sur des médaillons sur fonds géométriques losangés, les portraits de la famille royale belge. Deux vitraux, dans les croisillons nord et sud, commémorent l’histoire des Belges en France. Une inscription se trouve en bas du premier vitrail : « 1914 – A la France hospitalière – Don de M. et Mme Louis Piret – les Belges reconnaissants – 1919 ».
- 2. Les vitraux
Les vitraux réintègrent l’édifice ancien du XVIème. C’est pour cette raison que le maître verrier a posé ses vitraux sur des baies à remplage (= armature de pierre), formées de trois lancettes et de sept mouchettes, pour reprendre le même modèle des autres vitraux de l’église.
- Des allégories représentants la fin de la guerre
Le premier vitrail est titré « L’Hommage des Belges à l’hospitalité de la France ». Les deux personnages centraux sont saint Michel (saint patron de Bruxelles) et sainte Jeanne d’Arc, figures emblématiques de l’union franco-belge. Au-dessus, saint Eloi est le patron des forgerons. Les symboles du marteau et de la roue dentée sur sa crosse renvoient à l’activité métallurgique des usines de Louis Piret. Saint Eloi est encadré par des anges messagers de la paix. Ce vitrail est situé dans le croisillon nord, en pendant avec le vitrail du croisillon sud. Un halo lumineux avec des rayons porte le mot « Pax ». Deux hommes se serrent la main à droite, symbolisant l’union. Ils sont sur un tapis de fleurs colorées. En haut, est inscrit le nom de villes belges : Dinan, Louvain, Ypres. Le petit ange en haut à droite est un des vestiges de l’ancien vitrail du XVIe siècle. A l’arrière-plan est représentée l’usine d’armement de Louis Piret, proche de la Seine, qui deviendra l’usine des machines à coudre Singer. Des nuages de fumées se dégagent des cheminées de l’usine.
Le second vitrail représente Le retour des Belges dans leur patrie. On voit le retour des Belges dans leur pays et la paix retrouvée. Le personnage du Christ ressuscité, entouré d’anges musiciens très féminins, domine la scène. En bas, des soldats belges en uniformes saluent et acclament leur retour en levant les bras en l’air. On distingue derrière eux le clocher d’une église, symbole du village retrouvé. Un soldat porte le drapeau français à droite du vitrail. En haut, deux figures ailées représentent l’amitié franco-belge : l’une tient un blason portant le coq (la France) et une autre avec un blason portant un lion (la Belgique). La devise de la Belgique: « L’union fait la force » entoure le lion tout en haut du vitrail. Les visages des personnages, qui ne sont pas stéréotypés, font très certainement référence à de vrais portraits.
- La restauration
Entre 1999 et 2000, des restaurations ont été effectuées sur les vitraux par l’Atelier M. et J. Juteau. Il était nécessaire de nettoyer les vitraux, de refaire la mise en plomb, de restituer les ferrures manquantes ou rouillées. Mais surtout, il manquait des pièces entières, comme on le voit notamment sur Le retour des Belges dans leur patrie. Il manquait le visage du Christ au centre et tout un panneau entier à droite. Ce cas de restauration est compliqué quand il manque une partie de l’œuvre, en l’absence de documentations. La restitution des motifs manquants a été faite en accord avec le conservateur des Monuments Historiques, pour créer une harmonie avec les motifs de l’œuvre d’origine. Les couleurs ont retrouvé leur clarté et leur vivacité et la disposition des personnages est plus lisible. Les symboles de l’amitié franco-belges, comme le désirait Louis Piret, ont retrouvé leur éclat dans l’église de Bennecourt.
- Sources
1914-18 Bonnières-sur-Seine [en ligne : http://users.belgacom.net/thy/page9.html]
AMARA Michel, Des Belges à l'épreuve de l'exil : les réfugiés de la Première guerre mondiale : France, Grande-Bretagne, Pays-Bas, Edition de l’université de Bruxelles, 2008.
ROBIN Elisabeth, JUTEAU Mireille, « Hommage des réfugiés Belges à la France Hospitalière » in : Les choix de la mémoire : patrimoine retrouvé des Yvelines, Archives départementales des Yvelines, catalogue d’exposition, édition d’art Somogy, 1997, pp 197-199.