Chronique de novembre 1916 : L'humour de guerre

De Le Wiki de la Grande Guerre
Révision datée du 2 novembre 2016 à 11:32 par Sophie Blanchard (discussion | contributions) (publication chronique novembre)
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)
Le Petit Mantais du 22 novembre 1916. ADY - PER 1063 28

Le dessin de presse humoristique qui illustre la une du Petit Mantais en date du mercredi 22 novembre 1916 est assez caractéristique d’un certain état d’esprit qui règne alors en France à quelques semaines de la fin de la bataille de Verdun.

Si l’ennemi est souvent représenté dans les caricatures de la presse locale, il disparaît ici pour laisser la place à un nouvel adversaire tout aussi terrible sous les traits de « l’embusqué ». Cette expression qui n’est pas homogène, sert à désigner de multiples individus qui ne semblent pas ou peu souffrir de la guerre et qui peuvent tour à tour prendre la forme de politiques, bourgeois, parisiens ou capitalistes comme dans le cas présent.

Le message est ici simpliste. Un premier personnage qui désigne les profiteurs de guerre, s’engraisse littéralement aux dépens de deux braves poilus qui symbolisent l’ensemble des combattants qui risquent ou donnent leur vie pour la patrie. Si le titre « gros calibre » permet avec humour de souligner l’embonpoint prononcé du premier personnage, il ne laisse planer aucun doute sur son identité. Ce sont bien les marchands de canons qui sont ici dénoncés.

L’humour est assez amer. « Encore un qui n’a pas éclaté » dit le premier poilu à son camarade. Cette phrase souligne à la fois que les embusqués et profiteurs de guerre sont nombreux, et rappelle qu’au front les soldats explosent sous les bombardements d’artillerie. On notera que la technique de la personnification d’un groupe d’individus sous la forme d’un personnage caricatural ou emblématique est assez classique. Dans les colonnes du Petit Mantais, l’Allemagne est par exemple régulièrement représentée sous les traits du kaiser Guillaume II.

Si ce dessin n’a pas été censuré car il n’est en rien pacifiste ou opposé à la guerre, il laisse cependant deviner une certaine lassitude qui s’installe dans le pays. Comment ne pas voir ici un terreau propice à l’éclosion d’un discours plus enclin à la mutinerie ?

Jean-Christophe Blanchard

Pour aller plus loin :

  • Galit Haddad, 1914-1919 Ceux qui protestaient, Paris, Les Belles Lettres, 2012


Téléchargez cet article au format PDF