Les Chinois à Conflans-Sainte-Honorine

De Le Wiki de la Grande Guerre

En 1917, Une centaine de travailleurs Chinois sont arrivés à Conflans-Sainte-Honorine durant la Grande Guerre et ont contribué à l'effort de guerre.

Les travailleurs chinois

Pour remplacer les hommes partis au front, la France et le Royaume-Uni ont fait appel à des travailleurs chinois sous contrat [1]. Le 14 mai 1916, les autorités françaises et chinoises concluent un accord pour l'envoi de main-d'œuvre. Ce sont ainsi 36 975 Chinois qui furent envoyés en France dans les usines d'armement, les ports, les mines, les exploitations agricoles et les forêts. [2]
Les régimes contractuels étaient différents selon la France ou le Royaume-Uni. L'accord signé avec la France prévoyait un recrutement pour une durée de cinq ans. Les travailleurs non qualifiés étaient payés 1,50 franc par jour (le kilo de pain coûtait 0,44 francs en 1914), les qualifiés (mécaniciens, artisans, interprètes), jusqu'à 6 francs. Le Ministère des Travaux publics mit des logements à disposition des différentes sociétés privées.
Dans une étude publiée en 1917-1918, le futur sénateur Hugues Le Roux explique que le contrat est signé pour cinq ans, mais, dès la fin de la première ou de la troisième année, le commissaire français peut rompre l’engagement ; d’autre part, l’émigré, après l’expiration de son contrat, peut, s’il le désire, continuer de résider en France ou dans les colonies françaises aussi longtemps qu’il en manifeste le goût. Ces travailleurs sont divisés en deux classes : les spécialistes et les manœuvres. Les premiers reçoivent un salaire quotidien d’un franc cinquante, les seconds d’un franc vingt-cinq. Il est entendu que l’on ne travaillera pas plus de dix heures par jour. En plus de ces salaires quotidiens, tout manœuvre reçoit trente-cinq francs par mois pour « être délégués à sa famille ou à ceux qui dépendent de lui », et tout ouvrier de métier reçoit quarante francs. Ces dernières sommes sont payées en Chine par l’intermédiaire d’un syndicat. (...). A ces gages qui peuvent sembler modérés, s’ajoutent des avantages qui en transforment la valeur : les Chinois immigrés sont logés, vêtus, nourris pour rien. Les conditions stipulées, de ce chef, par les clauses du contrat sont constamment dépassées par la générosité française. A la date du 10 octobre, qui est la fête de la République chinoise, ordre vient du Gouvernement qu’un jour de congé soit accordé à tous les travailleurs. La journée ne se passe point sans gâteries. Chaque homme reçoit une prime de trois francs. Elle est dépensée au cours d’une excursion à Paris.[3] » Le 21 août 1917, 300 Chinois sont dispatchés sur le port de Paris : 100 à Conflans et 200 à Nanterre. Ces travailleurs sont affectés au port de Conflans-Fin d'Oise et remplaceraient les P.G. qui y étaient à cette date et qui passeraient à Bonneuil.
Toutefois, le lieutenant-colonel Suquet chargé de la direction du service du port de Paris en réclame une cinquantaine de plus, ce qui lui sera accordé le 9 septembre. Le 9 novembre 1917 envoit au chef de service de l'Organisation des travailleurs coloniaux les contrats de travail des 150 travailleurs envoyés au port de Conflans-Fin d'Oise. Notons qu'il lui adresse également les contrats des 200 travailleurs au service du Transit maritime de Brest, port de rattachement du 1er dépôt d'équipage de la Flotte dont les navires partent pour Shangaï.

Après la guerre

Selon les autorités françaises, 1500 travailleurs chinois seraient décédés pendant la Première Guerre mondiale à la suite de l'épidémie de grippe espagnole, certains à la suite d’attaques ennemies ou de blessures reçues au cours de leur travail. Mais les chiffres sont contestés par le chercheur Ma Li et il semblerait qu'ils soient plus nombreux. il n'existe pas de cimetière pour les travailleurs chinois, entretenu par la France ; on trouve les tombes dans les cimetières communaux ou militaires [4].
Parmi les Chinois employés par la France, les derniers sont repartis en 1922 après avoir travaillé pour la reconstruction d’après-guerre (nettoyage…), ou dans des mines, des usines. Fortement invités par les autorités françaises à rentrer chez eux, une petite minorité décide de rester. Emmanuel Ma Mung, géographe, spécialiste des migrations chinoises, estime qu’ils furent entre 2000 et 3000 Chinois à s’installer à Paris, en banlieue et dans certaines grandes villes de province. « Ces personnes venaient tous de la province de Zhejiang au sud de la Chine, notamment de la petite ville de Qingtian et de Wenzhou, explique-t-il. Ils ont retrouvé à Paris, des personnes originaires de la même province, déjà installées en France avant la Première guerre mondiale. Il y avait dans cette région une tradition migratoire ancienne, celle des colporteurs de Qingtian, qui traversaient la Chine et la Russie pour vendre des objets de pierres et des statuettes ».Nombre des Chinois épouseront des Françaises, souvent des migrantes venues d'Alsace [5] et ont encore une postérité dans notre pays (famille Tchang en 2010). Le dernier survivant est mort en 2002 à La Rochelle, à l’âge de 105 ans.

Sources

Archives municipales de Conflans - dossier travailleurs chinois, lettre de M. Gérard Tchang en 2010
Archives nationales, archives du Ministère des Travaux publics, des transports et du ravitaillement, Note de M. Parmentier du 21.08.1917, lettre du 10.09.1917 et courrier du lieutenant-colonel Chargueraud du 09.11.1917 (photocopies transmises sans les cotes aux Archives municipales de Conflans)
Les travailleurs chinois en France dans la Première Guerre mondiale, Li Ma, CNRS Alpha, 2012, ISBN : 978-2-271-07186-6