Chronique de septembre 1918 : Les déserteurs

De Le Wiki de la Grande Guerre
Rapport du capitaine Labis sur une proposition de récompense en faveur du gendarme Gautier, 1er octobre 1918. AD78 cote 3R65/20
Rapport du capitaine Labis sur une proposition de récompense en faveur du gendarme Gautier, 1er octobre 1918. AD78 cote 3R65/20

Ce document est une demande de récompense pour un gendarme qui s’est illustré dans la recherche des déserteurs. Daté du 1er octobre 1918, il fait référence à des faits  échelonnés sur toute la durée de la guerre. En effet ce gendarme a arrêté 1 déserteur en 1914, 7 en 1915, 22 en 1916, 21 en 1917 et 18 en 1918.

Dans le Dictionnaire de la Grande Guerre sous la direction de F. Cochet et R. Porte, les auteurs indiquent qu’est considéré comme déserteur le soldat qui n’a pas rejoint son corps au bout de deux jours. La situation décrite dans ce document est conforme à ce que l’on constate à l’échelle nationale. En 1914 le taux de déserteurs est très faible, environ 1,5%, alors que l’état-major en craignait dix fois plus en raison de la popularité des idées pacifistes. Ce nombre s’accroit considérablement en 1916 et 1917 comme dans notre document.

On utilise aussi le terme d’insoumis pour nommer les soldats qui n’ont pas rejoint leur régiment. Nicolas Beaupré dans l’Encyclopédie de la Grande Guerre reprend la thèse de C. Jahrv selon laquelle la pratique de la désertion ne signifie pas forcément le refus du combat mais résulte parfois de difficultés matérielles à rejoindre son affectation après une permission. Il s’agit aussi souvent de la nécessité d’une coupure par rapport aux combats dans un contexte de permissions trop rares et trop courtes. Des soldats exemplaires, qui dans certains cas ont été blessés et ou décorés, passent en jugement pour des « désertions » de quelques jours à la suite d’une permission qu’ils ont « prolongé ». C’est pourquoi la hiérarchie militaire qui craint par-dessus tout le phénomène de la désertion et le manque de soldats les passe en jugement mais sanctionne souvent cette pratique « seulement » par un retour en première ligne. Cette thèse est étayée par le fait que les désertions s’accroissent à partir de 1916 et 1917 et correspondent aux périodes où le conflit s’enlise et où les offensives aussi meurtrières qu’inutiles s’accumulent. On pourrait se demander pourquoi ce gendarme s’est focalisé sur la recherche des déserteurs mais ce serait oublier que le gendarme appartient à l’armée.  

Isabelle Attard